Lea Hourcade - Rédactrice web

En Belgique, le contrat de travail engage le travailleur à exécuter une prestation sous l’autorité de l’employeur, et ce, en contrepartie d’une rémunération. Les trois éléments sont donc réunis : le travail, le salaire et le lien de subordination. Via le licenciement, l’employeur est en droit de rompre avec effet immédiat le contrat de travail en cas de faute grave commise par le travailleur.

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Les principes généraux du licenciement pour motif grave

En droit belge, le licenciement se présente sous deux formes : celui avec préavis et celui avec effet immédiat. Dans tous les cas, l’employeur n’est pas obligé de motiver sa décision dans la lettre de rupture. Il n’est pas non plus tenu de convoquer l’employé à un entretien préalable. Toutefois, il peut lui demander de venir auditionner. Il peut aussi ouvrir une enquête en vue de confirmer ou d’infirmer ses doutes.

Également appelé licenciement pour motif grave, le renvoi avec effet immédiat ne requiert aucune formalité particulière. L’employé ne reçoit ni préavis ni indemnité. La faute grave rend immédiatement et définitivement impossible la continuité de la collaboration entre l’employeur et le collaborateur.

La notion de motif grave est assez complexe, surtout en cas de contestation. Il revient au juge du tribunal du travail d’apprécier souverainement la raison justifiant le licenciement pour faute grave. Que ce soit dans le contrat ou dans le règlement de travail, il est possible d’y mentionner le fait qu’un manquement aux obligations est considéré comme motif grave. Cependant, le juge n’est pas obligé de s’y référer. Cette mention sert uniquement à informer et à guider le travailleur.

Important : le travailleur peut également rompre le contrat pour motif grave. Que la décision de rupture du contrat émane de l’employeur ou du collaborateur, l’assistance d’un avocat en droit du travail est fortement recommandée pour faire valoir ses droits.

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Un motif grave : c’est quoi ?

L’article 35 de la loi belge du 03 juillet 1978 relatif au contrat de travail considère comme élément constitutif de motif grave « toute faute qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l’employeur et le travailleur ».

La notion de motif grave

L’existence ou non d’un motif grave est appréciée en partant du principe qu’il est question de fait. Voici les différents composants de ce type de motif :

  • La faute

Imputable à la personne du travailleur, la faute doit être un acte répréhensible. Il n’est pas exigé qu’elle soit contractuelle ni commise à l’égard de l’employeur. Il est possible qu’elle n’ait causé aucun préjudice envers l’employeur et/ou son entreprise. Le manquement constituant le motif grave peut être une violation des dispositions tant légales que contractuelles. Cependant, la faute doit être existante. L’intention de commettre une faute est insuffisante pour justifier un licenciement.

  • Le caractère grave de la faute

La faute commise doit être d’une gravité telle qu’elle entraîne la perte de confiance de l’employeur envers le travailleur.

  • La collaboration devenue immédiatement impossible

La faute commise doit rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle employeur-travailleur. Dans le cas contraire, l’employeur admet implicitement l’inexistence du motif grave et donc l’irrégularité du licenciement.

  • La rupture définitive de la collaboration professionnelle

Le travailleur licencié pour motif grave ne peut pas être réengagé par le même employeur.

Des exemples de cas constitutifs de motif grave

Les exemples ci-après ne constituent pas en soi des motifs graves de licenciement, mais doivent être étudiés selon les circonstances :

  • Les injures et les actes de violence ;
  • Le vol, le détournement de fonds et la fraude ;
  • La non-communication d’une absence pour incapacité ;
  • L’absence injustifiée ;
  • L’abandon de poste ;
  • Le refus injustifié d’exécution du travail convenu dans le contrat ;
  • Le non-respect des horaires de travail et/ou des consignes de sécurité ;
  • Le refus d’un contrôle médical ;
  • L’état d’ébriété répété ;
  • L’acte de concurrence déloyale ;
  • La divulgation de secrets d’entreprise et d’informations confidentielles ;
  • Certains comportements sexuels ;
  • Certains faits de la vie privée s’ils impactent le chiffre d’affaires, rendent impossible la continuation de la collaboration ou portent atteinte à la réputation de l’entreprise.

À noter : au-delà des circonstances, il convient de tenir compte du poste occupé par le travailleur pour mieux apprécier le caractère grave du motif de licenciement.

Comment prouver une faute grave ?

Les preuves d’une faute grave peuvent être apportées par toutes voies de droit. Cependant, certaines limites sont à respecter.

La justification de la faute grave incombe à l’auteur de la décision de rupture

Que la décision de rupture du contrat émane du travailleur ou de l’employeur, il revient à la partie ayant invoqué le motif grave d’en apporter la preuve. En cas de licenciement, l’employeur doit prouver le manquement du collaborateur. Peuvent constituer des preuves :

  • Une lettre de mise en demeure ;
  • Un rapport de police constatant les faits ;
  • Un témoignage ;
  • Un aveu écrit ;
  • Un constat d’huissier de justice ;

Par ailleurs, les reproches adressés au travailleur doivent être précisés dans la lettre de licenciement. Le travailleur sera ainsi en connaissance de cause et pourra se défendre. Le juge, quant à lui, pourra apprécier la gravité du motif cité. En effet, il ne peut pas tenir compte des faits qui n’y sont pas mentionnés.

Les limites en matière de preuve de motif grave

Quatre questions peuvent se poser lorsqu’il s’agit d’apporter les preuves d’une faute grave :

  • L’employeur a-t-il le droit de fouiller ses travailleurs ?

Il est ici question de l’interdiction de contrôler les biens personnels et les vêtements des travailleurs. Le contrôle autre que la fouille corporelle est autorisé uniquement si l’objectif est de constater un vol des biens de l’entreprise sur le lieu de travail, et ce, sous certaines conditions.

  • L’employeur peut-il utiliser les enregistrements d’une caméra placée à l’insu des travailleurs ?

Afin de prouver un vol par exemple, les images d’une caméra sont recevables lorsqu’elles respectent la vie privée des travailleurs. Dans d’autres cas, les juges qualifient les enregistrements d’illicites lorsque les caméras de surveillance ne respectent pas les dispositions de la CCT ou Convention collective du travail 68. Il revient au juge d’analyser au cas par cas les images et les vidéos obtenues. Ainsi, il décidera si elles sont recevables ou non.

  • L’employeur a-t-il le droit de lire le courriel de ses salariés ?

Sauf autorisation de la personne concernée, il est interdit de faire intentionnellement usage ou de prendre connaissance des données relatives à une autre personne en matière de télécommunication. Même si le travailleur effectue un acte de concurrence déloyale, dénigre l’employeur ou envoie des déclarations à connotation sexuelle dans ses mails par exemple, ces derniers ne peuvent pas être utilisés comme preuve de motif grave en vue d’un licenciement. En revanche, en établissant un règlement relatif à l’utilisation d’Internet, l’entreprise respecte le principe de la légalité et peut avoir gain de cause.

  • L’employeur peut-il engager un détective privé ?

L’arrêt du 17 novembre 2003 prévoit que les constatations d’un détective privé peuvent être utilisées en vue de prouver un motif grave. Dans cet arrêt, la Cour du travail d’Anvers souligne le droit de l’employeur à mener une enquête, personnellement ou par l’intermédiaire d’un bureau de détectives.

Conseil : en tant qu’employeur, évitez les formulations trop vagues comme l’insubordination et les absences injustifiées. Récoltez le maximum d’informations et mentionnez dans la lettre de licenciement l’existence d’un éventuel témoin, les dates et les lieux des faits par exemple.

Quand est-ce que l’employeur peut licencier un travailleur pour motif grave ?

Le licenciement pour motif grave concerne tous les types de contrats de travail, notamment :

  • Le contrat à durée déterminée ;
  • Le contrat à durée indéterminée ;
  • Le contrat conclu pour un travail nettement défini.

L’employeur peut y avoir recours, que le travailleur soit :

  • En préavis ou non ;
  • Suspendu ou non (si la faute a été commise avant ou pendant la suspension) ;
  • Protégé légalement ou non. Une procédure particulière doit être respectée en cas de licenciement d’un travailleur protégé. De plus, il ne peut être licencié que si le motif est étranger à celui pour lequel il est protégé.

Le licenciement pour motif grave concerne tous les travailleurs, quel que soit leur statut :

  • Ouvrier ;
  • Employé ;
  • Étudiant ;
  • Travailleur à domicile ;
  • Représentant de commerce ;

À noter : en Belgique, les travailleurs protégés contre le licenciement sont :

  • Ceux qui sont en congé parental ;
  • Les femmes enceintes ;
  • Ceux ayant déposé une plainte pour harcèlement ou discrimination ;
  • Ceux qui sont en congé pour soins palliatifs ;
  • Ceux en crédit-temps ou en interruption de carrière ;
  • Les représentants des travailleurs (les délégués syndicaux et les candidats non élus aux élections sociables et membres du CPPT/CE) ;
  • Les conseillers en prévention.

Cette liste est non-exhaustive, car les motifs de protection contre le licenciement sont nombreux.

Quelle est la procédure à suivre ?

Deux étapes incontournables s’imposent à  l’employeur souhaitant licencier un travailleur pour motif grave :

La notification du congé

L’article 35 alinéa 3 de la loi belge sur les contrats de travail stipule que « le congé pour motif grave ne peut plus être donné sans préavis ou à l’expiration du terme lorsque le fait qui l’aurait justifié est connu de la partie qui donne congé depuis 3 jours au moins ». En d’autres termes, l’employeur doit notifier le congé pour motif grave dans les 3 jours ouvrables suivants le moment où il a eu connaissance de la faute. Le délai commence au lendemain de la connaissance des faits et expire le troisième jour suivant cette date. La notification peut se faire oralement ou par écrit.

La notification des motifs du licenciement

Selon l’article 34 alinéa 4 de la même loi, l’employeur doit notifier le travailleur au plus tard 3 jours ouvrables après avoir mis fin au contrat. Les jours ouvrables sont les jours de la semaine susceptibles d’être travaillés, sauf les dimanches et les jours fériés légaux. Ce nouveau délai court à partir de la date de notification effective du congé et non de la date figurant dans la lettre de licenciement. Sous peine de nullité, cette notification doit être :

  • Soit envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception ;
  • Soit remise par exploit d’huissier ;
  • Soit remise en main propre au travailleur. Dans ce cas, la signature vaut comme accusé de réception de la notification et non du motif.

Dans la plupart des cas, la notification des motifs se fait au même moment et dans un même acte que celle du licenciement. Les motifs cités doivent être précis.

Bon à savoir : conformément à la CCT 109, le travailleur licencié est en droit de demander les motifs concrets de son renvoi si l’employeur ne les communique pas dans la lettre de rupture. Pour ce faire, il peut lui envoyer une lettre recommandée dans les 2 mois suivants le licenciement. Par lettre recommandée, l’employeur doit répondre à cette demande dans un délai de 2 mois à partir de la réception du courrier. À défaut, il est passible d’une amende qui équivaut à 2 semaines de rémunération.

Le travailleur perçoit-il une indemnité en cas de licenciement pour motif grave ?

Dans une telle situation, le travailleur n’a droit à aucune indemnité de rupture. Comme l’effet du renvoi est immédiat, il ne reçoit pas d’indemnité de préavis. L’employeur est également dispensé :

  • D’une éventuelle indemnité de licenciement collectif ou de fermeture ;
  • D’une indemnité d’éviction ;
  • D’une indemnité de protection contre le licenciement ;
  • Des majorations relatives aux jours fériés tombant durant le mois suivant la rupture.

Le licenciement pour motif grave fait également obstacle à l’octroi des allocations de chômage pendant une période de 4 à 52 semaines. Il revient au Directeur du bureau de chômage de déterminer au cas par cas cette durée.

Attention : l’employeur peut réclamer des dommages-intérêts si les faits reprochés au travailleur lui ont porté préjudice.

Ainsi, compte tenu de ses conséquences s’avérant lourdes pour le travailleur, il apparaît normal que l’employeur qui a recours au licenciement pour motif grave soit tenu d’en apporter la preuve.